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Monsieur Rundheersing Bheenick, Gouverneur de la Banque de Maurice, livre quelques reflexions, a l'occasion de l'expansion de l'Agence de la Banque des Mascareignes a Grand Baie, ce 06 juillet 2012 (version preparee pour l'occasion).

C’est vraiment un grand plaisir pour moi de me retrouver parmi vous ce soir pour marquer de manière spéciale l’expansion de l’agence de la Banque des Mascareignes, ici à Grand Baie. Née d’une fusion, en novembre 2005, entre la Mascareignes International Bank Ltd et la Banque des Mascareignes Ltée, la BDM a franchi des pas importants dans le paysage bancaire mauricien. C’est intéressant de constater que votre banque compte à ce jour 12 agences en opération dans l’île et qu’elle s’est également implantée à Madagascar.
 
A une période où la Zone Euro passe par des turbulences financières et économiques, une période où de nombreuses banques européennes ont tendance à compresser leurs activités, il est réconfortant et rassurant de voir que le Groupe Banque Populaire et Caisse d’Epargne, par le biais de sa filiale locale, la BDM étend sa présence à Maurice comme dans la région.
 
Pour la petite histoire, la BDM a connu récemment un certain remous – en effet, un vent de changement souffle sur elle. On note un renouvellement à la fois du Conseil d’administration de la banque et de l’équipe dirigeante à qui il importe de mener à bon port la barque de l’institution. Je salue, messieurs, votre esprit aventureux, car comme le dit si bien cet adage: un bateau n’est pas construit pour être rattaché au port mais pour prendre la mer même si dans la traversée il faudra par moments affronter les grosses vagues. Et comme dirait l’autre, il n’y a pas de progrès sans risque et sans effort.
 
Le secteur est également frappé par ce vent de changement : l’activité bancaire à Maurice connaît ces temps-ci un nouvel essor. De nouveaux services bancaires voient le jour, à l’instar du mobile banking, de l’Internet banking à travers le phénomène Smartphone et Tablette pour ne citer que quelques uns. Nous assistons, par ailleurs, à la fusion de certaines banques à des compagnies de crédit bail, à la délocalisation du siège social de certaines banques, de Port Louis à Ebène, en vue d’un re-positionnement. Certaines de nos banques étendent également leurs activités vers les pays de la région et le secteur bancaire mauricien se positionne de plus en plus comme un leader en Afrique.
 
Cette nouvelle dynamique repose sans doute sur plusieurs facteurs. Durant ces cinq dernières années, la Banque Centrale a prôné une politique d’ouverture visant à insuffler plus de compétition dans le circuit bancaire. Nous avons amené les banques à afficher sur leurs sites les différents frais bancaires selon un schéma standard qui facilite la comparaison entre les banques. Malgré une certaine résistance de la part des banquiers, la Banque de Maurice a réussi à rendre public, sur une basse biannuelle, les notations CAMELS des banques. Toutes ces initiatives ont rehaussé le niveau de transparence dans le secteur. Mais charité bien ordonnée commence par soi ! Nous à la Banque de Maurice nous nous sommes évertués à devenir plus transparents et accountable envers la société. Nous avons aussi créé des fenêtres d’opportunités pour les opérateurs économiques à travers lesquelles les banques peuvent trouver leur compte : le plan de financement des « Petites et Moyennes Entreprises », dont la BDM est d’ailleurs partie prenante, et une ligne de crédit spécial en devises étrangères.
 
Comme nous le savons tous, nous vivons à une époque où la situation économique demande que toutes les parties prenantes de l’économie mauricienne, à plus forte raison les banques, y mettent du sien. Nous devons aider le pays à faire face aux chocs résultants des tensions financières et économiques externes provenant principalement de notre exposition à la zone Euro. Il va falloir surtout épauler les opérateurs économiques rendus vulnérables par la crise persistante.
 
La dernière initiative en date concerne la mise sur pied d’un groupe de travail pour enquêter sur les clauses et conditions abusives des contrats bancaires et autres contrats financiers. Sur ce chapitre, je voudrais faire ressortir que la protection des consommateurs a toujours figuré en très bonne place parmi mes priorités depuis que je dirige la Banque Centrale. Le nombre croissant de griefs exprimés par les consommateurs a motivé notre toute dernière action. Nous avons émis un Communiqué, pas plus loin que mercredi dernier, invitant le public et les banquiers, entre autres, à participer à un exercice, dont l’objectif est d'acquérir une plus grande compréhension des modalités et conditions régissant les contrats entre un consommateur et une institution financière. Nous menons, en parallèle, un autre exercice avec la MBA visant à simplifier toute la documentation relative aux contrats.
 
Dans un secteur bancaire en plein essor, il est non seulement du devoir du régulateur de s’assurer de la protection des consommateurs, il est aussi celui des banquiers de veiller sur le bien-être de leurs clients. D’ailleurs comme je l’ai fait ressortir aux Directeurs des Banques, lors du dernier Banking Committee Meeting, la Banque Centrale s’attend à ce que chaque banque soit désormais dotée d’un Complaints Desk pour traiter les doléances de leur clientèle – je peux vous confirmer qu’il y en a beaucoup. Une structure similaire a déjà été mise sur pied à la Banque de Maurice, et nous mettrons en  place, assez rapidement, un forum spécial pour des échanges régulières entre le régulateur et les banques, autour de ce sujet.
 
Je saisis cette occasion pour aborder un autre sujet de préoccupation pour le régulateur, qui a une incidence sur les consommateurs. Je parle en l’occurrence du Cheque Truncation System où notre objectif de la compensation des chèques sur une période de 2 jours au maximum tarde à se concrétiser. Le consommateur se plaint toujours qu’il doit attendre trois à cinq jours pour toucher son argent. Nous prévoyons des sanctions contre les banques qui ne se conforment pas à nos normes.
 
La sous-utilisation du système MACSS dans le pays est un autre souci pour la Banque Centrale. A ce jour, nous constatons que ce mode de paiement en temps réel n’est toujours pas accessible dans les agences des banques. Est-ce par manque d’information sur le sujet de la part du consommateur? Est-ce que les banques n’ont tout simplement pas suffisamment conscientisé leurs clients sur ce mode de paiement? Je demande donc aux banquiers d’accentuer leurs efforts en vue de faire un usage maximal des technologies mises en place par la Banque Centrale afin de faciliter l’accès aux finances par les consommateurs.
 
Revenons sur l’expansion des banques. Toute expansion bancaire doit rimer avec un renforcement des systèmes de contrôle au sein des institutions. Récemment la presse a fait état des cas de fraude se chiffrant à des milliers de roupies dans des banques. Il a été établi que ces fraudes ont été perpétrées avec la complicité interne. Il est dommage que malgré tout l’arsenal déployé par le régulateur pour permettre aux banques de mettre en place un système de contrôle interne efficace et rigoureux, des fraudeurs sévissent toujours à l’intérieur des banques. La zone euro et les Etats-Unis connaissent des problèmes bancaires dévastateurs pour l’équilibre de leurs systèmes financiers. Ces problèmes soulignent la nécessité absolue pour des pratiques bancaires saines et cohérentes et de bonne gouvernance. Il y a là beaucoup de leçons pour les régulateurs et les autorités de surveillance. Les régulateurs doivent être prêts à prendre rapidement des mesures correctives et décisives pour prévenir une accumulation de risques dans les banques individuelles et dans le système bancaire dans son ensemble. Comme régulateur, je ne me lasserai jamais de souligner l’importance de constamment remettre à jour vos systèmes de contrôle à travers par exemple, la formation de votre personnel, et plus de sécurité au niveau de votre système informatique.
 
Pour conclure, je réitère mon appel à la nouvelle équipe dirigeante de la BDM à jouer pleinement leur rôle dans le secteur bancaire. Il m’a été donné de comprendre que cette stratégie d’expansion qui commence ici à Grand Baie s’étendra à d’autres régions de l’île. Il est approprié de commencer par ce 
 village du Nord qui à mon avis offre de par sa vocation touristique un espace propice pour la promotion de l’activité bancaire. Et, si ma mémoire est bonne, c’est bien du nord que les Anglais ont commencé leur conquête de l’île de France! A vous maintenant, messieurs les banquiers du groupe BPCE de savoir créer cette dynamique qui rendrait la place plus performante et plus attrayante.