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Allocution de Monsieur Rundheersing Bheenick, Gouverneur de la Banque de Maurice, à l'occasion du Dîner de Bienvenue de la 19ème Conférence des Gouverneurs des Banques Centrales des Pays Francophones, 23 mai 2012, Port-Louis

Permettez-moi quelques mots pour vous souhaiter la bienvenue à vous tous, chers confrères gouverneurs, représentants des gouverneurs, et délégués, et vos conjointes. Je me réjouis de vous accueillir à la 19ème Conférence des Gouverneurs des Banques Centrales des pays francophones.
 
C’est un grand honneur pour nous de recevoir une si belle assemblée de gouverneurs venant de diverses parties du monde allant du Canada au Vietnam dans le sens ouest/est, et du nord Canadien et des Alpes Suisses jusqu’à nos plages ensoleillées à Maurice dans le sens nord/sud – de pays très divers dont le lien unificateur est la langue française.
 
Je suis très heureux de vous accueillir au siège de la Banque de Maurice à ce Dîner de Bienvenue que nous organisons en votre honneur. L’évènement fera date dans les annales de la Banque de Maurice, d’autant plus que cette année nous fêtons nos 45 années d’existence. Je salue Son Excellence Monsieur Jean-François Dobelle, Ambassadeur Extraordinaire et Plénipotentiaire de France à Maurice, qui nous a fait l’honneur d’être présent ce soir. Nous avons également avec nous nos trois partenaires officiels avec qui nous nous sommes associés pour donner à cet évènement tout son éclat. Je salue ici Monsieur Howard Carter, Directeur Général de la filiale sud-africaine de la Société Suisse SICPA, Monsieur Huy Hoang Dang, Directeur Général de la Banque des Mascareignes, filiale du Groupe BPCE, et Monsieur Christophe Montet, Directeur d’Oberthur Technologies, et leurs collaborateurs. Merci messieurs de votre soutien, ô combien précieux!
 
C’est bien la première fois que les Gouverneurs francophones tiennent leurs assises à Maurice. Depuis que j’ai intégré la Banque Centrale comme Gouverneur il y a cinq ans, j’ai eu l’honneur d’être reçu à trois reprises par mes confrères des banques centrales des pays francophones à Berne, à Nice et à Seam Reap. Mon Vice-Gouverneur participa à la réunion de Luxembourg. Chers confrères votre présence nous honore et nous donne l’occasion de vous rendre l’hospitalité que vous nous avez témoignée avec tant de chaleur et d’amitié.
 
A la dernière heure, notre collègue et ami Christian Noyer n’a pu faire le déplacement, retenu par l’actualité – ce que nous comprenons. Il regrette vivement de ne pouvoir être des nôtres à cette occasion. Nous regrettons son absence, lui qui a tellement œuvré pour assurer la pérennité de cette Conférence. Ces rencontres, comme beaucoup se souviendront, furent initiées par le Gouverneur Trichet de la Banque de France en 1994. Je me permets ici d’ouvrir une parenthèse pour partager avec vous une confidence que Jean-Claude Trichet luimême m’avait faite lors d’un déjeuner où Christian Noyer nous recevait pour clôturer notre 17ème Conférence à Nice. C’était le Gouverneur de la Banque de Maurice d’alors, Sir Indur Ramphul, qui lui proposa une rencontre régulière des Gouverneurs francophones en s’inspirant de ce qui se passait dans le monde anglophone.
 
Quelques années auparavant, alors que je portais une casquette différente, je m’étais prévalu de mon rôle de Correspondent National de l’ACCT – l’Agence de Coopération Culturelle et Technique – pour préconiser sa transformation en une organisation qui se rapprocherait du modèle du Commonwealth Secretariat. J’avais même pris les devants pour organiser une rencontre entre le Secrétaire-Général de l’époque et le Secrétariat du Commonwealth pour faire avancer les choses. Ce qui fût chose faite avec la création de l’Agence de la Francophonie en 1995, rebaptisée par la suite l’Organisation Internationale de la Francophonie. En jouant sur notre double appartenance à la fois au monde anglophone et francophone, Maurice a ainsi apporté une petite valeur ajoutée à la francophonie. Fermons cette parenthèse en affirmant que ces Conférences des Gouverneurs ont servi de plateforme pour tisser et maintenir les liens qui unissent les Banques Centrales des pays francophones.
 
Je me dois d’évoquer très brièvement les liens historiques et culturels que Maurice a avec la langue française. Faisons, si vous le voulez bien, une petite incursion dans le passé. Bien que la nation mauricienne soit une jeune nation, elle est riche en histoire. Nous avons des liens historiques et culturels avec l’Europe, l’Afrique et l’Asie. Les premiers à débarquer sur notre terre furent apparemment les Arabes, suivis des Portugais à la fin du 15ème siècle. Les Hollandais tentèrent de coloniser l’île, mais sans succès. A partir du 16ème siècle, des petites colonies françaises s’installèrent dans l’île qui fût rebaptisée Isle de France. Mais c’est avec la venue du Gouverneur Mahé de La Bourdonnais en 1735 que la colonie commença à prospérer. Mahé de La Bourdonnais posa les jalons du développement de notre île.
 
Il fit construire des fortifications et un port à l’emplacement de ce qui est aujourd’hui PortLouis que vous avez pu admirer de haut tout à l’heure – en effet du 20ème étage de la Bank of Mauritius Tower, vous avez une vue imprenable sur Port-Louis. Nous devons à Mahé de La Bourdonnais de nombreux travaux dont l’Hôtel du Gouvernement, la construction des écoles, des entrepôts, des fortifications et des magasins. Mais c’est surtout à travers l’ouvrage de Bernardin de Saint Pierre, avec son récit de Paul et Virginie, que les travaux de Mahé de La Bourdonnais ont connu un jaillissement international. D’ailleurs, ce dernier a laissé ses traces dans tout l’Océan Indien – la plus grande île de l’archipel des Seychelles porte son nom ; le premier port et la première ville de Maurice, qui fut surclassé par Port Louis, s’appelle Mahebourg; l’Inde a toujours une petite ville au nom de Mahé dans l’Etat du Pondicherry. Une statue de Mahé de La Bourdonnais, surplombe le port, érigée après sa mort par une Ile Maurice reconnaissante, − faible consolation des malheurs qu’il connût de son vivant à son retour en France.
 
La première langue à s’enraciner à Maurice fût le français ou plus précisément les dialectes des régions côtières de la France. Sachez aussi que Maurice conserva l’usage de la langue française comme langue officielle jusqu’en 1847 bien que l’île fût cédée aux Anglais depuis 1810. En effet, l’Acte de Capitulation signé par les Commandants anglais et français conservait aux habitants de l’Isle de France leurs religions, leurs lois, dont le fameux Code Napoléon, et leurs us et coutumes. À ce jour, la langue française est toujours très répandue parmi la population. D’ailleurs Maurice a l’honneur de compter parmi ses fils un prix Nobel de littérature en la personne de Jean-Marie Leclézio pour ses ouvrages dans la belle langue de
Molière.
 
Revenons à la raison première de notre rassemblement. Nos réunions des Gouverneurs sont à la fois des lieux de partage d’expérience et de points de vue, et des moments d’amitié et de convivialité. Le thème central de cette 19ème Conférence «Les Banques Centrales: nouveau rôle, nouvelles missions dans une économie mondiale en pleine mutation» revêt une importance capitale dans un contexte où les perspectives économiques mondiales ne sont guère rassurantes.
 
Il va sans dire que la crise financière de 2008/2009 a ébranlé la zone de confort dans laquelle les banques centrales s’étaient installées durant presque une décennie. Les théories, les modèles et autres pratiques qu’elles avaient jusqu’ici appliquées de manière traditionnelle se sont révélées inaptes à prévenir la crise ou à contenir ses effets dévastateurs sur le secteur financier et encore moins sur l’économie réelle. Le maintien de la stabilité financière s’est révélé aussi important, voire plus important, que la stabilité des prix. Quelle rude leçon pour nous, banquiers centraux, qui croyaient avoir trouvé dans le ciblage de l’inflation,l’équivalent monétaire du Saint Graal !
 
Durant les deux jours de notre Conférence, nous parlerons de politique monétaire. Nous passerons en revue les réformes de Bâle III et leurs incidences sur les pays émergents. Nous aurons aussi l’occasion d’évaluer les derniers développements dans la zone euro. Nous partagerons nos expériences et essayerons de mieux comprendre et tirer des leçons de la crise. Nous aurons donc, chers confrères, matière à discussion. En nous transmettant ses regrets, Christian Noyer m’a aussi dit qu’il « ne doute pas que cette Conférence soit un grand succès, tant par l’intérêt des sujets qui y seront traités que par la qualité de ses intervenants ».
 
Maintenant parlons d’autre chose. Nous avons essayé de combiner travail et détente en concoctant un programme récréatif à votre intention. Quant à vos charmantes conjointes, nous leur avons réservé des sorties dans l’île. Nous espérons que ce programme vous permettra d’apprécier pleinement la beauté et le charme de notre petit coin de paradis.
 
La 19ème Conférence des Gouverneurs des Banques Centrales des Pays Francophones est un évènement important pour nous. Nous avons voulu le marquer en lançant une enveloppe commémorative illustrant en filigrane le bâtiment de l’Hôtel du Gouvernement, une réalisation de Mahé de La Bourdonnais, dont j’évoquais plus tôt le rôle de grand bâtisseur dans cette partie du monde. Je salue au passage M. Giandev Moteea, le Directeur Général de la Poste Centrale, qui nous a fait ce petit cadeau. Le lancement de l’enveloppe commémorative démontre l’importance que nous attachons à la coopération et la solidarité qui se sont développées à l’intérieur de ce groupe de Gouverneurs de Banques Centrales.Nous voulons ainsi témoigner de notre attachement à la Communauté Francophone et consolider les liens d’amitié qui nous tiennent à cœur.
 
Chers confrères, il ne me reste plus qu’à vous souhaiter un agréable séjour parmi nous. Je suis sûr que nos travaux seront des plus enrichissants et qu’à la fin de la Conférence, nous serons mieux armés à faire face aux multiples défis auxquels les banques centrales sont confrontés, défis qui risquent hélas de prendre de l’ampleur. Sur ce, chers invités, permettez-moi de vous souhaiter une agréable soirée en notre compagnie et Bon Appétit !
 
Je vous remercie.