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Allocution de Monsieur Harvesh Seegolam, G.C.S.K., Gouverneur de la Bank of Mauritius, et Président du Groupe des Superviseurs Bancaires Francophones à l’occasion de l’ouverture de la Réunion Plénière du Groupe des Superviseurs Bancaires Francophones

  • Monsieur Mardayah Kona Yerukunondu, Premier Vice-Gouverneur, Banque de Maurice
  • Membres du conseil d’administration et du Comitè de Politique Monètaire de la Banque de Maurice
  • Monsieur Emmanuel Rocher, Directeur des Affaires Internationales de l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) et Secrétaire Général du Groupe des Superviseurs Bancaires Francophones
  • Membres du Groupe des Superviseurs Bancaires Francophones
  • Responsables de la Banque Mondiale, de L’Agence Française de Développement, de L’Economic Development Board, d’institutions et d’organisations financières
  • Membres de la presse
  • Distingués invités
  • Chers collègues
  • Mesdames et Messieurs

Bon après-midi

C'est un grand plaisir pour moi de vous accueillir et de m’adresser à vous à l'occasion de cette réunion plénière du Groupe des Superviseurs Bancaires Francophones (GSBF).

Cette réunion revêt, à mes yeux, une importance particulière pour deux raisons.

La première est qu’elle nous donne l’opportunité de lancer officiellement le rapport sur la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme qui a été élaboré conjointement par la Bank of Mauritius et la Bank Al Maghrib dans le cadre des travaux du Groupe des Superviseurs Bancaires Francophones. Ce document met en lumière les retours d’expérience et le partage de bonnes pratiques émanant de la banque centrale de l’Ile Maurice et de celle du Maroc. J’en profite pour remercier chaleureusement le Gouverneur Jouahri de nous avoir accordé son accord et sa confiance pour la conduite de ce projet.  Par ailleurs, suite à ma discussion avec lui pas plus tard que hier, je prévois de faire un compte rendu des travaux de notre groupe aux Gouverneurs des autres banques centrales des pays Francophones lors de la prochaine réunion des Gouverneurs des Banques Centrales Francophones qui se tiendra en mai de cette année à Bruxelles.

La seconde raison réside dans le thème de notre agenda, La supervision bancaire face aux enjeux climatiques. Un thème qui nous interpelle tous puisque le changement climatique exige que tous les acteurs concernés assument pleinement les responsabilités qui leur incombent.

Et pour cause, le changement climatique représente le plus grand défi mondial. Nous constatons déjà les conséquences du changement climatique dans le monde entier.  L’ile Maurice n’est pas en reste et les intempéries de janvier en sont la preuve.

Or, cette planète est notre seule, notre unique maison, comme l’a très bien dit le Secrétaire général de l’ONU dans son message à l’occasion de la Journée mondiale de l’environnement en 2022.

A maintes reprises, la sonnette d’alarme a déjà été tirée. Il est grand temps de nous réconcilier avec la nature ce qui nécessite un changement radical de paradigme pour favoriser le verdissement de la planète. Dans le cas contraire, nous risquons fortement de léguer une planète fragile aux générations futures.

Il est évident que nous ne pouvons relever ces défis qu'à travers une action collective soutenue, impliquant tous les acteurs incluant économiques, politiques et culturels entre autres.

Mesdames et Messieurs,

Notre pays se trouve en première ligne face à la fragilité de notre écosystème puisque nous nous trouvons dans un bassin tropical de l’Océan Indien. Le total des besoins financiers pour mettre en œuvre les objectifs des contributions déterminées au niveau national est estimé à 6,5 milliards de dollars. En ce sens, nous continuons nos engagements multilatéraux comme peut le témoigner la signature, le 26 février dernier, d’un Protocole d’Accord qui permettra à la Bank of Mauritius de bénéficier de l’expertise de l’Agence Française de Développement pour établir un plan d’action et une méthode de travail en matière de verdissement de notre système financier.

Laissez-moi ajouter ici, mesdames et messieurs, que cet engagement vient du plus haut-niveau car ce même jour, le gouvernement Mauricien a conclu un premier accord de coopération, la « Convention de Partenariat FEXTE Tripartite », qui a pour objectif principal la conduite d’études hydrologiques à Rodrigues afin d’améliorer la gestion des ressources en eau souterraine et un autre accord, le Protocole d’Entente « AdaptAction », visant à accélérer la mise en œuvre de l’Accord de Paris sur le climat à Maurice.

Le gouvernement Mauricien a aussi mis en place, depuis août 2023, un cadre de finance ESG pour Maurice. Il régit l’émission de types spécifiques d’instruments de dette durable par l’état Mauricien, visant à financer la mise en œuvre de la feuille de route mauricienne en matière de durabilité. Les produits de ces instruments seront canalisés vers des projets ESG tels que les énergies renouvelables et l'accès aux services essentiels tels que l'éducation et la santé.

La Bourse de Maurice (SEM) soutient également le développement du marché mauricien des obligations durables. Elle a lancé en septembre 2015 le SEMSI, un indice de durabilité qui évalue les pratiques des sociétés cotées sur la base de critères ESG. À ce jour, dix-huit sociétés participent à cet indice.

Mesdames et Messieurs,

Notre engagement pour le développement durable est ancré dans nos politiques, nos pratiques et notre vision d'avenir. Cet engagement, que nous partageons avec vous, est le fondement même de la santé et de la stabilité à long terme de notre système financier global.

Permettez-moi de souligner, dans cette même optique, quelques initiatives clés que la Banque de Maurice a mis en œuvre pour faire face à ces enjeux. La Banque de Maurice a relevé bons nombres de défis qui entourent les risques financiers liés aux spécificités géologiques et tendances climatiques qui nous sont propres.

Nous avons mis en place notre Centre sur le Changement Climatique en 2021 qui comprend 4 groupes de travail, notamment sur la politique monétaire, le financement durable, la stratégie interne et enfin, un groupe de travail sur la règlementation et la supervision bancaire.

Nous avons mis en lumière l’intégration des risques physiques et des risques de transition dans la gestion des banques à Maurice à travers notre directive sur la gestion des risques financiers liés au climat et à l’environnement. Cette directive a été publiée en avril 2022.

Ce groupe de travail est constitué de la Bank of Mauritius elle-même, des représentants des banques, de la « Financial Services Commission, Mauritius », en tant que régulateur des services financiers non-bancaires, de quelques compagnies d’assurance et, également, de l’Association des banquiers de l’Ile Maurice.

Au sein de cette instance, nous encourageons nos institutions financières à intégrer la gestion des risques liés au changement climatique dans leur cadre globale de gestion des risques. Ainsi, nous aidons nos banques dans leur cheminement.

Nous travaillons également en collaboration avec les différentes agences du gouvernement sur le développement d’une taxonomie verte nationale, aujourd’hui essentielle pour promouvoir la confiance des investisseurs et catalyser les investissements climatiques à Maurice et sur le continent africain, tout en répondant aux préoccupations de « greenwashing ».

Nous sommes aussi engagés dans le renforcement des capacités de nos superviseurs. Dans cette optique, l’un de nos effectifs a entrepris un stage à la Banque de France l’an dernier sur les tests de résistance et l’analyse des scénarios. Plusieurs de nos superviseurs prennent aussi des cours en ligne auprès de la Financial Stability Institute crée par la Banque des Règlements Internationaux et le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire.

D’autre part, la Bank of Mauritius participe dans de nombreux « workstreams » du NGFS, dont celui axé sur la réglementation et la supervision bancaire. En outre, nous organisons des sessions pour le partage d’expérience entre nos institutions financières dans le cadre des travaux menés par le groupe de travail sur la réglementation et la supervision bancaire de notre Centre sur le Changement Climatique.

Par ailleurs, nous promouvons parallèlement l'investissement dans les technologies vertes et les énergies renouvelables, reconnaissant leur rôle essentiel dans la transition vers une économie plus verte et plus durable. A cet effet, nous avons, en 2021, émis notre Guide pour l'émission d'obligations durables.

En ce qui concerne nos futurs projets, nous espérons très prochainement mettre en place notre modèle de test de résistance basé sur des scénarios à court terme. Nous sommes également en train de travailler sur un cadre d'échange de droits d'émission de carbone pour les crédits bleus et verts, comme annoncé dans le budget de 2023-2024.

Mesdames et Messieurs,

L’île Maurice n’est pas uniquement impactée par les principes domestiques liés au changement climatique, mais aussi par le cadre international. A titre d’exemple, le cadre européen pour la finance durable qui est basé sur trois piliers, notamment, la taxonomie du financement durable de l'Union européenne qui est un système de classification commun pour identifier les activités économiques durables, les obligations de divulguer des informations à propos de la finance durable, qui vise à établir une référence claire pour les obligations vertes et les outils pour développer des solutions d'investissement durables.

Le fait que Maurice soit largement dépendant de l’exportation rend primordial la collaboration avec les organisations internationales pour assurer la conformité de notre juridiction avec les cadres internationaux, dans le but de faciliter le commerce et les investissements verts transfrontaliers.

Mesdames et Messieurs,

Aujourd'hui, plus que jamais, nous sommes à un carrefour décisif, d’où la thématique de cette réunion plénière. Les choix que nous faisons, les politiques que nous instaurons, et les mesures que nous adoptons auront des répercussions significatives. Notre responsabilité est d'assurer la survie, la prospérité et la stabilité du secteur financier en dépit des défis à relever, ce qui demande innovation, collaboration, et une ouverture aux nouveaux paradigmes.

La collaboration internationale et le partage de meilleures pratiques seront essentiels pour notre succès collectif. C'est pourquoi cette réunion est une opportunité précieuse pour nous tous, d’apprendre, de renforcer nos réseaux de soutien et de développer des stratégies conjointes face aux défis climatiques.

Je me réjouis d’avance des échanges fructueux, des perspectives enrichissantes et des plans d'action concrets qui émergeront de nos discussions. Ensemble, saisissons cette occasion exceptionnelle de marquer une différence en traçant la voie vers un avenir financier plus durable et résilient. En tant que président du GSBF, je m’attelerai à ce que les travaux de notre groupe aient une visibilité prominente à l’international. Dans cette optique, je m’efforcerai en personne à fournir une mise à jour aux autres Gouverneurs des banques centrales Francophones au mois de mai.

Sur ce, je vous remercie de votre attention et vous souhaite des délibérations enrichissantes et productives.

Merci.

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Governor Harvesh Kumar Seegolam, G.C.S.K.

21 Mars 2024

Bank of Mauritius